Cinq ans de casse de l’école, de A à Z

A comme Ambition réussite. Puisqu’il n’est pas question de dépenser un euro de plus, il faut redéployer les moyens existants pour gagner en efficacité. C’est le sens de la réforme des zones d’éducation prioritaire (ZEP) et de la mise en place des réseaux ambition réussite. On a supprimé une demi-heure d’enseignement pour l’ensemble des élèves de cinquième et de quatrième pour attribuer mille postes supplémentaires aux deux cent cinquante collèges ambition réussite.

B comme Baccalauréat. En 2005, François Fillon a voulu que la moitié des épreuves du baccalauréat soit remplacée par des notes de contrôle continu. Les manifestations des lycéens l’ont obligé à reculer. Jusqu’à quand ?

C comme Chronologie. Trois ministres : Luc Ferry, François Fillon et Gilles de Robien. Deux mouvement sociaux très importants : celui de 2003 contre la réforme des retraites et la décentralisation, et celui de 2006 contre le contrat première embauche.

D comme Direction. On demande toujours plus aux directeurs d’écoles maternelle et élémentaire. La charge administrative s’alourdit. Les responsabilités s’accroissent. Presque tous enseignent au moins une partie de la semaine. Dans les écoles les plus petites, ils enseignent à temps plein et doivent s’acquitter des tâches administratives en plus. Malgré une grève administrative très longue, le ministère refuse de proposer des solutions acceptables. Il a fini par proposer aux directeurs d’école d’être assisté dans leur travail par un salarié précaire sans formation !

E comme Échec. Les élèves en difficulté ne sont un problème pour le gouvernement que parce qu’ils risquent de coûter de l’argent à l’État. Il faut donc s’en débarrasser. C’est désormais possible plus tôt grâce à l’apprentissage à quatorze ans, l’une des mesures de la loi sur l’égalité des chances de 2006. Les collèges et les lycées de leur côté sont invités à ne pas faire redoubler les élèves, sous prétexte que cela ne serait pas efficace. On préfère se débarrasser de certains élèves par le haut, en les laissant passer chaque année dans la classe supérieure sans chercher de solution aux difficultés qu’ils rencontrent.

F comme Fillon. Principal artisan de la réforme des retraites en 2003 et de la loi d’orientation sur l’école en 2005, il est aujourd’hui conseiller politique de Nicolas Sarkozy.

G comme Gouvernement. En 1996 déjà, un rapport de l’OCDE expliquait aux gouvernements comment mener à bien la libéralisation des services publics sans que cela ait un coût politique trop important : « Si l’on diminue les dépenses de fonctionnement, il faut veiller à ne pas diminuer la quantité de service, quitte à ce que la qualité baisse. On peut réduire, par exemple, les crédits de fonctionnement aux écoles ou aux universités, mais il serait dangereux de restreindre le nombre d’élèves ou d’étudiants. Les familles réagiront violemment à un refus d’inscription de leurs enfants, mais non à une baisse graduelle de la qualité de l’enseignement et l’école peut progressivement et ponctuellement obtenir une contribution des familles, ou supprimer telle activité. Cela se fait au coup par coup, dans une école mais non dans l’établissement voisin, de telle sorte que l’on évite un mécontentement général de la population. »

H comme Heure de première chaire. Un enseignant qui a beaucoup de classes de première et de terminale est déchargé d’une heure de cours. Cela lui permet d’avoir plus de temps pour préparer ses cours et corriger ses copies. Mais Gilles de Robien vient de changer les règles d’attribution de cette « heure de première chaire ». L’année prochaine, un tiers des professeurs de lycée travailleront une heure de plus pour un salaire inchangé.

I comme Image. La droite fait tout pour donner une image fausse de l’école et des enseignants. Jean-François Coppé déclare qu’un professeur certifié en fin de carrière gagne 4100 euros par mois, alors que seule une petite minorité parvient à 3000 euros. Gilles de Robien promeut la méthode syllabique pour l’apprentissage de la lecture, et suggère à cette occasion que les professeurs des écoles font mal leur travail.

J comme Jeunesse. Quand la jeunesse brûle des écoles, la bonne réponse est-elle militaire ?

K comme Képi. Quand la droite n’est pas en train d’offrir l’éducation au secteur privé, elle veut faire chanter la Marseillaise. Ségolène Royal n’est pas en reste, puisqu’elle propose un encadrement militaire pour les élèves en difficulté. Les enseignants devront-il bientôt porter le képi ?

L comme Langues vivantes. François Fillon a promis de dédoubler tous les cours de langue en terminale. Pour cela, il a supprimé les TPE (travaux personnels encadrés) pour cette même classe. Et finalement, seuls quelques regroupements ont été effectués pour arriver à des groupes de 24 élèves quand cela a été possible. Et pour arriver à cet objectif, il a souvent fallu mettre dans un même groupe des élèves qui ne préparent pas le même examen.

M comme Marchandisation. L’enseignement privé et les entreprises de soutien scolaire sont favorisés. Les municipalités pourraient être obligées de financer les écoles privées. Des réductions d’impôt sont accordées à ceux qui payent des cours particuliers à leurs enfants. Pendant que la qualité de l’enseignement public se dégrade, l’État encourage d’ores et déjà la concurrence et la marchandisation.

N comme Nombre de postes aux concours. Le nombre de postes aux concours de recrutement d’enseignants baisse chaque année. En cinq ans, on a créé en moyenne un nouveau poste pour quarante-cinq élèves de plus dans le premier degré (écoles maternelles et élémentaires) et dans le même temps, on en a supprimé un pour huit élèves en moins dans le second degré (collèges et lycées). Au total, quinze mille postes ont été supprimés. Les professeurs sont de moins en moins nombreux pour faire le même travail. Les remplacements sont de moins en moins souvent assurés. Et le gouvernement continue à dire que son objectif est de ne remplacer qu’un départ à la retraite sur deux.

O comme Ouvriers. Les techniciens, ouvriers et personnels de service sont rattachés à la fonction publique territoriale depuis 2004. C’est une charge de plus pour les collectivités locales, une inégalité supplémentaire entre les établissements des différents départements ou des différentes régions et une division supplémentaire entre les personnels, qui ne dépendent plus du même employeur.

P comme Précarité. Le statut des surveillants se dégrade : les anciens MI/SE sont désormais des « assistants d’éducation ». Les remplaçants (TZR) sont nommés à l’année dans plusieurs établissements à la fois. On fait appel à des vacataires et à des contractuels pour assurer certains cours, sans leur donner la possibilité d’entrer dans la fonction publique par la suite. Pour pallier le manque de personnel, deux nouveaux contrats précaires ont été créés : les contrats d’accompagnement dans l’emploi et les contrats d’avenir.

Q comme qualification. Jusqu’à présent il fallait une solide formation universitaire pour enseigner une matière. Désormais, les professeurs sont fortement incités à enseigner aussi une deuxième matière, pour laquelle ils ne sont que très peu qualifiés, grâce au principe de la bivalence. Qu’importe la qualité des cours. L’essentiel est qu’il y ait quelqu’un devant les élèves et qu’on puisse faire fonctionner les collèges et les lycées avec le moins de monde possible.

R comme Rôle positif. Le 23 février 2005, un article de loi adopté à l’Assemblée par les députés de l’UMP a obligé les programmes scolaires à reconnaître le « rôle positif » de la colonisation. Un an plus tard, Jacques Chirac a été obligé d’abroger cet article.

S comme Statut. Quel est le statut du professeur de votre enfant ? Fonctionnaire ou contractuel ? Titulaire ou nommé pour un an seulement ? S’il est fonctionnaire, est-il certifié ou agrégé ? S’il ne l’est pas, est-il contractuel ou vacataire ? Il y a de plus en plus de statuts différents dans l’éducation nationale. Les personnels sont divisés. Chaque réforme ne concerne qu’une catégorie isolée afin d’éviter une réaction d’ensemble. Les inégalités de traitement sont de plus en plus importantes, ce qui nuit au travail d’équipe. Le personnel le moins protégé sert de variable d’ajustement pour réaliser des économies de fonctionnement.

T comme Travail. Travailler plus, moins nombreux, et gagner moins. Voilà le programme mis en œuvre pour le personnel de l’éducation nationale depuis 2002. À la rentrée prochaine, un tiers des professeurs de lycée travailleront une heure de plus pour le même salaire (voir à la lettre H). Le nombre d’enseignants diminue (voir à la lettre N). Par ailleurs, la baisse du pouvoir d’achat des fonctionnaires se poursuit chaque année. L’inflation augmente plus vite que les salaires. Enfin les fonctionnaires sont les plus touchés par la réforme des retraites de 2003.

U comme Unique. Le collège unique a du plomb dans l’aile avec l’apprentissage à 14 ans et une orientation de plus en plus précoce pour les élèves les plus en difficulté. Plutôt que d’avoir l’objectif d’un haut niveau de formation et de culture pour tous, avec les mêmes exigences pour tous, on doit se contenter désormais d’un « socle » minimum. Tout ce qui ne figure pas dans le socle sera réservé à quelques élèves choisis.

V comme Victoire. Victoire contre le CPE, victoire contre le bac au contrôle continu, victoire contre le rôle positif de la colonisation, victoire contre « la concurrence libre et non faussée » du projet de constitution européenne. Mais les menaces sont grandes encore et la lutte contre la casse du service public d’éducation est loin d’être terminée.

W comme Wall Street English. L’avenir de l’école ?

X comme Xénophobie. La chasse à l’étranger ne s’arrête pas aux portes des écoles. Malgré les efforts et les succès du Réseau éducation sans frontière, des centaines d’élèves et de parents d’élèves ont été expulsés indignement par l’État français et son ministre de l’intérieur, souvent au péril de leur vie.

Y et Z comme SarkoZY. Nicolas Sarkozy. Ministre de l’intérieur en 2003 lorsque les CRS chargent violemment les manifestants à la Concorde et à l’Opéra Garnier. Déclencheur de la crise des banlieues de novembre 2005. Ministre de l’intérieur en 2006 lorsque la police fait tout pour que les manifestations contre le CPE finissent mal. Ultralibéral et réactionnaire. Le laisserons-nous faire ?